Nous arrivons sur la place principale de Catamayo comme convenu à 20h. Nous attendons mais personne ne vient : ce fut la première incompréhension qui préfigurait la suite ! Nous décidons donc de prendre une chambre d'hôtel pour passer la nuit et avoir internet pour pouvoir contacter Fidencio (le propriétaire de la ferme). Nous convenons d'un nouveau rendez-vous le lendemain matin. Encore une fois, personne à l'horizon au bout de 30 minutes mais notre patiente est récompensée : Fidencio finit par arriver. Nous prenons un 4x4 pour nous rendre à la ferme où une dizaine de volontaires est présent. L'endroit est minimaliste avec une cuisine improvisée sous un toit fait d'une bâche mais un magnifique four en terre, des toilettes sèche (seul bâti fini) ainsi que des tentes et tipis parsemés aux 4 coins de la ferme. Fidencio nous montre notre campement et nous installons notre tente. Ensuite nous avons le droit à une discussion en tête à tête avec Fidencio et Julia (les propriétaires de la ferme) qui nous explique le lieu et son fonctionnement. Première tradition : chaque nouvel arrivant doit aller prendre une douche pour éviter de ramener des microbes. Cela signifie aller se baigner dans la rivière qui longe la ferme et ensuite se laver avec un mélange d'herbe infusé dans de l'eau chaude. L'après midi, Maxi un volontaire argentin nous montre le chemin pour aller à pied à Catamayo, que nous finirons par connaitre par cœur.

Le lendemain, Éric tente un premier pas vers Fidencio en l'aidant dans l'arrosage : peu d'échange, mais pointé une critique de Mosonto - nous sommes au bon endroit.

Le travail de volontaire a lieu du lundi au vendredi de 6h à 10h et consiste essentiellement à divers travaux d'écoconstruction. Nos missions respectives seront de fabriquer l'enduit terre et de l'appliquer sur les murs en terre pour Robin et la fabrication des blocs de terre crue qui seront justement enduits par la suite pour Éric. La fabrication de l'enduit consiste à tamiser de la terre du terrain (activité poussiéreuse si l'en est) puis l'associer à des fibres, ici des feuilles mortes de palmier coupées finement à la machette en parallèle. La fabrication des blocs consiste à taper avec un poids sur la terre versée dans un coffret pour la compacter. Petite difficulté supplémentaire : nous arrivons à la partir haute du mur, cela veut donc dire amener les seaux de terre à la force de nos bras à deux mètres de hauteur.

Le travail est assez physique d'autant plus que le petit déjeuner (qui ressemble plus à un déjeuner) n'est servi qu'a 10h30 - ce qui signifie que nous travaillons à jeun. On regretterait presque les chantiers Enerterre !;)

Les jours se suivent et se ressemblent : travail, petit déjeuner, sieste, balade à Catamayo, aide pour préparer le déjeuner (vers 16h), dîner, puis dodo tôt vers 20h.

Nous avons du mal à nous intégrer au volontaire et Fidencio ne fait pas d'effort pour nous parler... Mais la patience nous connaît (surtout Éric).

Le week-end suivant à lieu la cérémonie de San Pedro. C'est un rite chamanique traditionnel où l'on boit un breuvage qui nécessite 12h de préparation, fabriqué à partir du cactus San Pedro. Ce breuvage à des propriétés hallucinogènes. Fidencio et Julia guident les personnes lors de cette cérémonie qui permet à certain de se sentir mieux et de résoudre des problèmes affectifs, émotionnel, philosophique...

Mais avant de pouvoir boire ce breuvage, une préparation est nécessaire. Éric décide de participer à la préparation et à la cérémonie (pendant que Robin s'éclipse discrètement). Première étape, faite une semaine avant le jour fatidique : sniffer un liquide à base de tabac. Cela signifie absorber le liquide par le nez et le recracher par la bouche (oui c'est très sexy, alors imaginez vous 10 personnes en cercle en train de le faire). On finit par se donner la main et faire une "prière" à San Pedro avant de manger son bouton (le bourgeon de la fleur) qui a un goût très amer.

Deuxième étape, faite en milieu de semaine : cette fois-ci on ne sniffe pas mais on boit un liquide à base de tabac. Le but de ces étapes étant de se purifier, ici on pourrait même parler de purge. Une fois le breuvage pris, il est nécessaire de boire énormément d'eau (autour de 10 litres) et de ne pas s'arrêter, à part quand on vomit seulement l'eau. Et nous voilà fin prêt pour le rituel, rendez-vous samedi soir 20h !

Première et seule consigne : on ne s'éloigne pas du feu avant 6h du matin le lendemain et si on a besoin d'aller aux toilettes on se fait accompagner. Deux nouvelles arrivantes et Robin assistent à la scène, nous sommes tous en cercle autour d'un grand feu, nous prenons chacun son tour un verre de San Pedro. Et c'est parti pour la nuit la plus étrange de la vie d'Eric.

Certains jouent des maracas de façon compulsive en fixant le feu et en passant du rire aux larmes. Certains vomissent (cela peut être un des effets secondaires). Certains voient des OVNI dans le ciel, alors qu'Éric n'y a vu qu'un avion. Certains entendent San Pedro leur parler. A 3h du matin (alors que Robin s'est replié dans la tente depuis longtemps) l'ambiance se calme, à gauche une discussion sur la physique quantique, et la faim se fait ressentir (nous n'avons pas mangé depuis le petit déjeuner du samedi matin). C'est l'heure pour nous de nous préparer à manger. Ensuite la musique reprend (accordéon, guitare, percussion) mais cette fois-ci l'harmonie (qui manquait cruellement durant les premières heures) est bien là, il faut dire qu'il y a deux musiciens professionnels avec nous !

Éric poursuit le récit à la première personne :

"Je ne serais pas dire ce qui c'est exactement passé, je retiendrais que certaines personnes ont exorcisé certains de leurs peurs et problèmes. Pour ma part je n'ai pas ressenti grand-chose à part une certaine connexion avec les personnes présentes. Cette expérience a eu le mérite de me rapprocher des autres volontaires.

À 6h c'est l'heure pour la majorité des personnes d'aller se coucher. Je vais me coucher car à 8h il faut qu'on prépare de déjeuner pour tout le monde et il faut que cela soit fait avant 12h car les fils de Fidencio et Julia venus pour le week-end partent tôt."

Au menu : soupe à l'oignon, hachis parmentier végétarien et gâteau au citron. Je rappelle que la cuisson se fait sur un four en terre à bois et que nous ne sommes pas les meilleurs représentant de la cuisine française (!), cependant le repas à l'air d'avoir plus.

La semaine suivant ressemble à la précédente, néanmoins nous commençons à créer des liens. Eric apprend à Mitzy une chanson de Carla Bruni (c’était ça ou ZAZ) qui lui apprend en retour une chanson chilienne. Fernando lui apprend à faire des bracelets. Ça y est, selon leurs propres termes, c'est un hippie !

Le samedi suivant c'est l'heure du départ et c'est avec une grande émotion que nous quittons la finca Larga Vida !