Après une bonne nuit de sommeil dans l'aéroport de Bogotá, j'arrive dimanche midi à la ville de Panama. L'ambiance à la sortie de l'aéroport me rappelle le début du voyage, la Colombie. La tête des gens d'abord, bien sûr, et quelques autres détails qui se faisaient plus rares ces derniers mois : les trottoirs défoncés, un arrêt de bus nommé "Coca Cola", un écran géant qui projette des "citations" de Jésus, la pauvreté partout. Comme en Colombie toujours, le soleil se couche à 18h et il fait nuit noire à 19h... L'influence étasunienne est également visible : il y a des terrains de baseball (pardon, béisbol) en plein centre-ville !


Vous le sentez venir, petit résumé de l'histoire du Panama en approche. J'ai visité le centre de visiteurs de Miraflores (un des jeux d'écluses sur le fameux canal) et le musée de l'histoire du Panama (qui fait trois pièces et 50m2...), vous n'y échapperez donc pas.


L'histoire du Panama est très lié à "son" canal et aux USA (on peut même avancer l'idée que l'État panaméen n'existerait pas sans eux). Avec des guillemets, car le canal est devenu panaméen le 31 décembre 1999 à 12h00... Hier, donc.

L'idée d'un canal pour relier les deux océans existait depuis "toujours", peu de temps après qu'en 1513 Vasco Núñez de Balboa traversa l'isthme du Panama et découvrit l'océan Pacifique (7 ans avant que Magellan ne l'atteigne par bateau !). La ville de Panama est fondée en 1519 et devient LE lieu de passage obligé pour l'exploration et la conquête de la région du Pérou actuel (on ramène alors beaucoup d'or en Espagne). En 1821, le Panamá prend son indépendance de l'Espagne et rejoint la Grande Colombie de Simon Bolivar.

Après plusieurs projets de canal abandonnés, c'est Ferdinand de Lesseps (célébrissime alors pour avoir dirigé la construction du canal de Suez, ouvert en 1869) qui se lance dans sa construction. Des milliers de travailleur·e·s affluent du monde entier pour sa construction, en majorité des Antilles (des personnes à peine sorti·e·s de l'esclavage, sans terres ni emploi). Les travaux débutent en 1882 mais s'arrêtent en 1888 à causes de multiples erreurs de financement et des maladies tropicales qui font des ravages. Au musée de Miraflores, la modestie est de rigueur (le canal est appelé "la Ruta del Mundo", au moins). Une petite mention pour "les milliers" de travailleur·e·s qui ont péri·e·s lors de la construction est noyée au milieu d'une propagande productiviste d'un autre siècle (il fallait s'y attendre, mais bon). Certains parlent tout de même de 27500 morts au total, surtout dus à la fièvre jaune.


Bref, les Étasuniens reprennent le bébé en 1903 (ils rêvaient d'une voie maritime entre leurs deux côtes et de pouvoir faire intervenir plus rapidement leurs navires lors d'opérations militaires), et n'y vont pas par quatre chemins pour assurer sa construction : ils appuient militairement les revendications des indépendantistes et, la République créée, négocie la concession à perpétuité (!) de la zone du canal - tout en plaçant le Panama sous protectorat, s'il vous plaît. Le canal est construit suivant le tracé français et ouvert en 1914.


Dans les décennies suivantes, la présence militaire US va s'intensifier et les tensions dues à leur présence s'exacerber. Un accord pour transférer la gestion du canal et sa propriété au Panama est finalement trouvé en 1977, pour une date d'effet en 1999. Un temps soutien de la dictature de Noriega dans les années 80, les USA changent d'avis et emploient la manière forte : le 20 décembre 1989, l'armée américaine envahie le pays (opération "Just Cause") suscitant l'indignation internationale.

Au début des années 2000, aussitôt le canal rétrocédé, un projet d'agrandissement est étudié et réalisé. Objectif : tripler les recettes générées par le canal (1 milliard de dollars par an). En 2011, 37% des porte-conteneurs étaient en effet trop grands pour emprunter le canal et 50% des navires qui y passaient avaient été construits aux dimensions maximales (navires dits "Panamax"). Avec l'agrandissement, inauguré en 2016, la taille maximale des porte-conteneurs pouvant l'emprunter est passée de 5000 à 14000 conteneurs. Les autorités du canal se targuent de faire économiser deux semaines et de diviser le coup du voyage par 10 aux bateaux qui l'empruntent (par rapport au passage du cap Horn).


Bien sûr, le musée aborde peu la question de l'eau douce perdue à chaque éclusage (presque 20 fois la consommation des villes environnantes) et de l'impacte du canal sur l'environnement (séparation des faunes et des flores des deux côtes). Mais pardon, je fais encore mon rabat-joie : quelle prouesse technique ! "Le panama, un petit pays avec de grands rêves."


Je commence à être lassé des villes et ça tombe bien, le Panama a de sérieux atouts côté nature : direction la forêt tropicale, avant d'attaquer sérieusement la plage.